Un nouveau rapport du collectif Caminando Fronteras dénonce l’impact direct des politiques migratoires sur une hécatombe (1865 disparus) évitable, et alerte sur l’inaction systémique des États face aux naufrages.
Le collectif Caminando Fronteras tire une nouvelle fois la sonnette d’alarme. Dans son dernier rapport publié ce mardi, l’organisation documente 1 865 morts ou disparitions survenues entre le 1er janvier et le 31 mai 2025 aux portes de l’Europe, le long de la frontière occidentale euro-africaine. Parmi les victimes, 112 femmes et 342 enfants ont péri dans l’indifférence quasi-générale.
Le rapport, fondé sur une veille continue 24h/24 à travers des lignes d’urgence, dénonce des politiques migratoires qui sacrifient la vie humaine au nom du contrôle des frontières. « Ces morts sont évitables », insiste Caminando Fronteras, qui qualifie ce bilan de « résultat direct d’une stratégie délibérée d’externalisation et de dissuasion. »
Le document souligne que dans 47 % des cas, les causes des naufrages sont directement imputables aux politiques structurelles de contrôle des frontières : retards dans les secours, non-activation des moyens disponibles, décisions arbitraires sur les protocoles de sauvetage ou encore discriminations géographiques dans la réponse apportée. L’utilisation restreinte de l’aviation de secours, la substitution d’opérations actives par des alertes passives à destination de navires privés, et l’absence de coopération bilatérale efficace renforcent cette tendance mortelle.
À ces défaillances s’ajoutent la violence exercée aux points de départ, les conditions extrêmes de navigation et la précarité des embarcations, souvent gonflables et inadaptées à la haute mer, poursuit la recherche.
Une hécatombe sur la route Atlantique
Avec 1 482 morts recensés, soit près de 80 % du total, la route Atlantique vers les îles Canaries reste la plus meurtrière. Parmi ses sous-routes la route mauritanienne concentre à elle seule 1 318 victimes, avec des départs fréquents de Nouadhibou. Par ailleurs, relève le rapport, la route depuis le Sénégal et la Gambie a connu une forte baisse des départs, mais compte tout de même 110 morts. La zone côtière entre Agadir et Dakhla, au Maroc, enregistre 54 décès.
L’organisation attire l’attention sur la découverte d’embarcations dérivant jusqu’en Amérique latine, certaines retrouvées au Brésil ou à Trinité-et-Tobago, avec à bord des passagers morts de déshydratation ou d’épuisement. La route algérienne vers les Baléares a causé 328 morts ou disparitions, souvent à proximité des côtes. Selon le rapport, ces naufrages surviennent malgré des alertes précises, mais les secours tardent ou ne sont pas déclenchés. L’absence de coordination avec Alger aggrave la situation. On note aussi un changement de profil des victimes, avec une hausse de migrants originaires de Somalie en transit par l’Algérie.
Gibraltar et la route d’Alboran, zones de disparition silencieuse
Le détroit de Gibraltar, utilisé par de nombreux jeunes tentant de rejoindre Ceuta à la nage, continue de produire des cadavres non identifiés retrouvés sur les côtes espagnoles. Le rapport dénonce une politique de déshumanisation, où les corps sans nom sont laissés sans recherche ni restitution aux familles.
Quant à la route d’Alboran, elle reste peu documentée en raison d’un manque d’alerte et d’un silence informationnel, malgré l’arrivée de migrants en état critique sur les plages andalouses. « Même si les chiffres sont en baisse par rapport à l’année dernière, nous ne pouvons pas les normaliser. C’est pourquoi nous devons continuer à exiger des États qu’ils protègent toutes les vies humaines avant les mesures de contrôle migratoire », a déclaré Helena Maleno, fondatrice de Caminando Fronteras.
Avec APANEWS