Élu député de la diaspora lors des dernières élections législatives, Fodé Mané, coordonnateur du Pastef-Espagne, porte la voix des expatriés à l’Assemblée nationale. Sa simplicité tranche avec son salon somptueux situé à la Cité Douane (Parcelles Assainies). Fodé Mané, député de la 15e législature, s’affiche à l’aise dans sa tenue composée d’une chemise soignée, d’un pantalon en « Super 100 » et des sandales en cuir. Il allie confort et sophistication. Coordonnateur du Pastef-Espagne, il est le représentant du département de l’Europe du Sud (Grèce, Turquie, Portugal, Espagne et Italie) à l’Assemblée nationale.
Derrière son semblant de timidité, se cache une personnalité taquine. À première vue, il peut sembler réservé, mais ceux qui le connaissent savent qu’il a un sens de l’humour piquant. Lorsqu’il s’agit du pays, cependant, il se transforme en un fervent défenseur, engagé et passionné. « Je bouillonne quand il s’agit de défendre la patrie. Les urgences de l’heure m’imposent beaucoup d’énergie pour booster et faire bouger les lignes, parce que ce pays doit changer dans le bon sens », renseigne le parlementaire, affichant un air sérieux. Ce quadragénaire, père de famille, fait partie des défenseurs des causes de la diaspora à l’hémicycle. Résidant en Espagne depuis plus de 15 ans, il connaît les difficultés majeures auxquelles la diaspora sénégalaise est confrontée. « La problématique centrale des Sénégalais de l’extérieur est relative à la recherche de documents administratifs tels les passeports, les pièces d’état civil. La question des passeports est capitale.
Si je prends le cas de l’Espagne, certes depuis le mois de mai dernier, plus de 16.000 talons y ont été envoyés, mais, le problème demeure entier », a-t-il informé, affirmant son engagement de servir dignement les expatriés. Il s’engage à ne ménager aucun effort pour l’implication de la diaspora dans la gestion des affaires de la cité. Il promet également de travailler pour l’amélioration des conditions d’existence et de bien être des Sénégalais de l’extérieur. Député novice à l’Assemblée nationale, Fodé Mané s’est rapidement adapté à son nouvel environnement de travail. Sa capacité à anticiper les situations lui a permis de surmonter les défis liés à ce changement. « J’ai anticipé la lecture des textes pour mieux saisir ma mission. J’ai appris par cœur le règlement intérieur de l’Assemblée nationale en essayant de maîtriser la quintessence de chaque article.
En sus, j’échange constamment avec les anciens députés, surtout avec Guy Marius qui est un collaborateur depuis des années », révèle-t-il. L’influence de sa femme sur sa décision de rejoindre Pastef Depuis son enfance, Fodé Mané a montré un grand intérêt pour la chose publique. Évoluant dans un environnement où ses grands frères et ses oncles occupaient des rôles de responsables d’associations dans les îles du Saloum, il a été amené à rédiger les procès-verbaux de leurs réunions. Pourtant, à cette époque, l’idée de se lancer en politique ne lui avait jamais traversé l’esprit. « La politique ne m’intéressait pas, parce qu’au Sénégal, les hommes politiques étaient assimilés à des menteurs, tricheurs, des détourneurs de deniers. Ce qui est contraire avec mes principes et convictions », explique-t-il. Avant d’ajouter : « Aujourd’hui, je me rends compte que la politique au vrai sens du terme, c’est la noblesse, c’est quelque chose de très positif ». Il a découvert Ousmane Sonko alors qu’il était en Espagne. Chaque jour, sa femme lui envoyait des vidéos de Sonko, l’encourageant à l’écouter. Elle lui disait que cet homme était pertinent et défendait des idées justes. Fodé a commencé à suivre Sonko et à s’intéresser à ses discours. C’est ainsi qu’il a contacté une connaissance parmi les fondateurs du parti, exprimant son souhait de rejoindre cette formation politique. « J’ai intégré le Pastef en 2017 par devoir patriotique, par principe et conviction », affirme-t-il, soutenant qu’à partir de ce moment, il n’avait plus le droit de rester dans son salon pour critiquer.
« Je devais faire partie des gens qui étaient sur le terrain pour changer le Sénégal et, au-delà du Sénégal, l’Afrique », explique-t-il. Sa première rencontre avec Ousmane Sonko s’est faite de manière virtuelle à travers les réunions qu’ils organisaient. « Je lui ai serré la main pour la première fois en 2018, lors d’un séjour à Dakar. J’étais impressionné par sa vision, son leadership, et ce petit quelque chose que le bon Dieu lui a donné, que je ne peux même pas qualifier. Je lui ai fait confiance, et nous cheminons ensemble dans le cadre de ce projet patriotique depuis lors », souligne-t-il, révélant que son fils, qui aura bientôt quatre ans, porte le nom de Ousmane Sonko. « Il est né le 13 février 2021, quelques jours après les accusations contre notre leader. Je lui ai donné le nom de ‘’Pros Mané’’ et non Ousmane pour lui témoigner mon soutien dans cette période difficile. J’avais gardé ce secret, et ce n’est que récemment qu’Ousmane Sonko a su qu’un de mes enfants porte son nom », confie notre interlocuteur. Militant très engagé, il s’est battu pour la libération de Ousmane Sonko et de Bassirou Diomaye Faye. Il fait partie des patriotes qui organisaient des manifestations dans les grandes villes d’Espagne et devant les institutions européennes. « Il n’était pas question qu’on abandonne ce projet. J’étais triste pour le Sénégal, pour les jeunes qui décédaient mais, je savais qu’on allait gagner cette bataille », affirme-t-il. De Bettenty en Espagne en passant par Allemagne Fodé Mané est né à Bettenty. Ce village insulaire du delta du Saloum, sis dans la commune de Toubacouta, tristement rendu célèbre par l’accident qui a coûté la vie à 21 femmes mortes noyées le 24 avril 2017.
Il a fait ses humanités dans cette contrée. Enfant des îles, il était très actif. Il accompagnait ses parents dans les champs, s’essayait à la pêche et jouait au football son sport préféré. Il y excellait, au point que l’on lui donnait des surnoms tels que Ibrahima Diakhaby, un ailier virevoltant du Sénégal ou Zinedine Zidane, légende du football mondial. Les passionnés des championnats locaux, appelés « Navétanes », ont eu le plaisir de découvrir ses talents sur les terrains de Joal, Cambérène et Bettenty. « Le destin a fait que je ne suis pas devenu un grand professionnel du ballon rond », raconte-t-il, soutenant que ses parents voulaient également qu’il évolue dans ses études. Après avoir réussi son examen d’entrée en sixième en 1993, il a été orienté au Collège Macodou Ndiaye de Sokone, où il a étudié pendant quatre ans.
Par la suite, il a poursuivi sa scolarité au Lycée Léopold Sédar Senghor de Joal Fadiouth après avoir obtenu son Bfem. En 2000, il décroche son bac et s’inscrit à l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar, au département de langue et civilisations germaniques de la Faculté des Sciences et des Lettres. Trois ans plus tard, il obtient sa licence. Ne voulant pas faire une carrière dans l’enseignement, il choisit de faire une formation professionnelle en marketing et communication. Il a déposé une demande de stage dans une entreprise de la place. Sans réponse. Il introduit alors une demande de visa, qui lui a été accordée seulement trois jours après son dépôt. Après un bref séjour en Allemagne, il a migré vers l’Espagne. Polyglotte parlant huit langues (français, espagnol, anglais, allemand, catalan, mandingue, sérère et wolof), Fodé Mané est dans la quête perpétuelle du savoir. Est-il perfectionniste ? « Non ! Je m’exige un minimum de méthode de travail pour bien faire les choses », tranche-t-il.
Aliou DIOUF