Les acteurs de la société civile ont planché sur une contribution unifiée en vue du Dialogue politique national. Ils étaient en conclave, hier, lundi 12 mai, pour harmoniser leurs positions. Cet atelier préparatoire, soutenu par l’Union européenne (Ue) à travers le programme « Saxal Jamm », a été présidé par le Dr Cheikh Guèye, facilitateur du Dialogue national. Il s’inscrit dans une dynamique d’ouverture, de participation citoyenne et de refondation du système politique sénégalais.
À quelques semaines du lancement officiel du Dialogue national, les organisations de la société civile n’ont pas voulu rester en marge. Le Consortium des organisations de la société civile, regroupant l’Ong 3D, le Groupe de recherche et d’appui-conseil pour la démocratie participative et la bonne gouvernance (Gradec), le Collectif des Organisations de la société civile pour les élections (Cosce), a organisé un atelier de deux jours pour harmoniser les points de vue et formuler des propositions consensuelles autour de trois axes majeurs : démocratie et droits humains, processus électoral et réformes institutionnelles.
Présidant la séance, le facilitateur du Dialogue national sur le système politique, Dr Cheikh Guèye, a tenu à souligner l’importance de ce moment. « Ce Dialogue, qui aura lieu du 28 mai au 4 juin, a déjà commencé à travers la dissémination des Termes de référence et à travers des ateliers comme celui-ci », a-t-il expliqué, précisant que « toutes les paroles seront écoutées et capitalisées ». Pour M. Guèye, le contexte est inédit, car le Sénégal n’est pas en situation de crise politique immédiate ; ce qui représente une opportunité. « C’est une période qui doit être mise à profit pour se donner des convergences fortes entre les différentes composantes de la Nation », a-t-il préconisé.
Si le Sénégal est souvent présenté comme un exemple de démocratie en Afrique, certains constats appellent à la vigilance. « Une démocratie qui génère autant de violence, autant de morts, est une démocratie malade. Il faut oser l’ausculter et également la soigner », a lancé Cheikh Guèye dans un ton grave et lucide. La société civile entend justement jouer ce rôle de vigie démocratique. Elle veut aller au-delà des constats en proposant des réformes concrètes, issues d’une démarche inclusive. Dynamique de réforme et de veille citoyenne C’est dans cette optique qu’a été relancée une plateforme numérique participative permettant à tous les Sénégalais de contribuer, en texte, audio ou vidéo, dans toutes les langues du pays.
Un outil innovant inspiré du dialogue sur la justice de l’année précédente. Moundiaye Cissé, président de l’Ong 3D, a insisté sur l’importance d’une voix unie de la société civile : « Nous ne voulons pas disperser nos forces. C’est pourquoi nous voulons harmoniser les points de vue et les positions ». Il a également plaidé pour un dialogue inclusif : « Nous appelons l’opposition à venir dialoguer. Nous devons mener des médiations et amener tout le monde à la table ». Le souci de prévenir les crises politiques à venir anime les participants. « Nous ne devons pas attendre des tensions pour dialoguer. Cela permettra d’avoir du temps pour mener des réformes idoines », a-t-il ajouté.
Pour lui, ce dialogue préventif constitue un cadre propice à des discussions dépassionnées, loin des calculs politiques immédiats. De son côté, Ababacar Fall, secrétaire exécutif du Gradec a mis en avant le rôle stratégique de la société civile dans les processus démocratiques. « La société civile a, au cours de ces dernières décennies, développé une expertise qui fait d’elle un acteur incontournable dans les changements politiques, économiques et judiciaires de notre pays », a-t-il fait remarquer. M. Fall a salué l’occasion de nourrir les réflexions du Dialogue national par des contributions solides issues de cet atelier. « Les propositions consensuelles qui sortiront de notre atelier sont très attendues et alimenteront les débats pour les réformes souhaitées », a-t-il soutenu. Le Pr Babacar Gaye, président du Cosce, a quant à lui rappelé la dimension symbolique du dialogue en démocratie : « La démocratie est une pièce à double face : l’une symbolise la compétition, l’autre la communion. Le dialogue est consubstantiel à la démocratie ».
Il a, dès lors, appelé à « soigner la maladie » politique en allant à la racine des dysfonctionnements. Mémorandum commun Les travaux permettront de poser les jalons d’un mémorandum commun, fruit des échanges entre les différentes organisations citoyennes. Ce document sera soumis au cadre du Dialogue politique national et va intégrer les recommandations thématiques formulées durant l’atelier. Parmi les attentes figure la mise en place d’un mécanisme citoyen de suivi capable de produire des rapports réguliers sur l’évolution du dialogue et l’application des réformes. L’objectif est aussi d’impliquer durablement les citoyens dans les processus de décision publique. L’espoir porté par les organisateurs est celui d’une refondation démocratique concertée. Comme l’a rappelé le Dr Cheikh Guèye, « toutes les composantes de la Nation sont à égale dignité, membres et contributeurs de ce dialogue ».
Daouda DIOUF