Seydina Limamou Laye a consacré toute son existence à invoquer Dieu, accomplir la prière, secourir les croyants et notamment prendre soin des pauvres et des personnes âgées, sans distinction entre amis, ennemis ou envieux.
Ce saint homme a incarné une personnalité éminemment sociale, marquée par une générosité et une bienveillance dignes des envoyés de Dieu, mission qu’il assumait pleinement.
Une enfance annonciatrice d’un destin exceptionnel
Né en 1845 (1261 de l’hégire), à Yoff, Seydina Limamou Laye est le fils de Coumba Ndoye et d’Alassane Thiaw. Avant même sa naissance, son nom et sa venue furent prédits par Mouhamadou Bâ, un marabout toucouleur originaire de Ouro-Madi, dans le nord du Sénégal.
Ce dernier avait conseillé aux Lébous de nommer Limamou tout garçon né dans leur famille. Si 14 enfants reçurent ce nom, seul Seydina Limamou vécut au-delà de l’enfance. Très jeune, il se distingua par des qualités remarquables : sociabilité, hospitalité, piété et un attachement particulier à la propreté. Cheikh Matar Lô, dans son œuvre « Bushrâ al-Muhibbina », relate plusieurs signes annonciateurs de sa destinée. Enfant, il pleurait si son pied touchait des souillures et voyait ses rêves se réaliser. Tafsir Ibrahima Mbengue, son compagnon d’enfance, a aussi témoigné d’événements surnaturels, comme des anges ouvrant leur poitrine pour y opérer une intervention mystérieuse.
Lors d’un séjour à Banjul, un vieil homme nommé Kéba Mansaly lui fit cette prédiction : « Dieu va te charger d’une mission prophétique dans la continuité de celle de Muhammad (Psl). Tu ébranleras le monde et marqueras l’histoire de ton empreinte ». Ibrahima Samb, membre de la Commission scientifique de l’Appel, décrit Seydina Limamou comme un homme « actif, courageux, juste et dévoué ». Il cuisinait pour ses compagnons, les soutenait, dirigeait leurs prières et leur prodiguait des conseils toujours bénéfiques. Généreux au-delà des attentes, il donnait tout ce qu’il possédait, que ce soit le fruit de ses pêches ou les récoltes de son champ.
L’Appel divin : un bouleversement pour son époque
En 1882, une comète apparut à l’est. Seydina Limamou dit alors à son cousin Daouda Ndoye : « Si Dieu le veut, un grand événement se produira cette année ». Peu après, il perdit sa mère, Mame Coumba Ndoye, événement qui précipita le début de sa mission prophétique. Un dimanche matin, 1er Châbân 1301 (24 mai 1884), il sort couvert de pagnes. L’un est sur la taille, l’autre couvre les épaules et le troisième lui sert de turban. Il débuta la prédiction ! Il fait sa première confession à Adama Thiaw, la sœur de son père : « O ma tante, couvre-moi de deux couvertures neuves et sache que Dieu t’a donné un cousin qu’il n’a jamais donné à personne au monde ».
Il avait tenu un langage similaire à ses épouses. Il retourna ensuite vers sa communauté et proclama : « Répondez à l’appel de Dieu, venez à moi. Je suis le Messager de Dieu, le Mahdi attendu. » Ce message provoqua une onde de choc à Yoff et dans ses environs. Le Professeur Assane Sylla écrit : « Ce fut un coup de tonnerre dans le ciel serein. Lui, le pêcheur d’hier, tenait un discours qui déstabilisait érudits et croyants ». Une mission dans un contexte de défis multiples Seydina Limamou est apparu à une « époque corrompue, hostile à la piété, remplie d’injustice et d’équité, comme l’avait prédit le noble Prophète (Psl) dans ses hadiths », estime Ibrahima Samb, membre de la Commission scientifique.
Sur le plan de la gouvernance, un accent particulier sur le régime tribal, dirigé par des rois autoritaires, dominait la vie de beaucoup de sociétés. Ces tyrans abusaient de la subordination de leurs administrés dans les champs de la souffrance et de turpitude pour espérer jouir d’une piètre jouissance de leur pouvoir passager. Par ailleurs, ils confisquaient leurs terres et leurs biens, leur imposaient des taxes et leur faisaient payer de lourds tributs couronnés par la violence, les assassinats et même la traite des esclaves.
D’autre part, il y avait le colonialisme, un système de domination qui servait à ensevelir les Africains, à exploiter leurs terres et la main-d’œuvre injustement. Il avait aussi comme objectif de vider l’Afrique de ses valeurs, de sa civilisation pour imposer la culture occidentale. C’est la raison injustifiée brandie aux missionnaires ecclésiastes pour combattre l’Islam qui entravait leur mission « civilisatrice » et les empêchait de réaliser leurs objectifs. C’est ainsi qu’à Rome, l’un de leurs dirigeants avança : « Nous devons veiller à ce que les croyances vulgarisées par les groupes musulmans ne soient pas une menace contre la réalisation de la grande civilisation que nous suivons ». *
« Une bonne partie de la société croyait au charlatanisme, à la sorcellerie ou adorait le feu ou les idoles qu’ils considéraient comme déterminants dans la vie individuelle ou collective ». D’autre part, de nouveaux musulmans convertis à l’Islam avaient du mal à se départir des croyances ancestrales mélangées aux pratiques cultuelles islamiques. Ainsi, certains musulmans s’adonnaient au paganisme à côté des préceptes de l’Islam. C’est ce qui est appelé par certains chercheurs « l’Islam local » ou « l’Islam noir », ou encore « l’Islam africanisé ». Amar Samb décrit ce mélange : « Les pratiques de l’Islam s’étaient mélangées à celles qui restaient du paganisme. Ainsi, il n’était plus authentique ».
Il existait, en outre, une forte croyance aux démons et aux djinns protecteurs sans oublier leur attachement aux féticheurs auxquels ils se recueillaient pour satisfaire leurs besoins et améliorer leurs situations. Sur le plan social, la société était symbolisée par les classes sociales. La tribu wolof, à titre d’exemple, est composée par la classe des « Guer », les nobles, les chefs religieux et les païens ; celle des « ñeeño » ou les hommes de métier, parmi lesquels les forgerons, les sculpteurs, etc., et la classe des esclaves qui n’existe plus. Le miracle de la mer à Yoff En 1886, deux ans après son Appel, des habitants de Yoff vinrent lui demander secours contre une mer dévastatrice. Seydina Limamou planta trois branches sur le rivage, déclarant : « La mer ne me désobéira pas, elle connaît mon grade auprès de Dieu ».
Depuis lors, la mer n’a plus jamais dépassé ces limites. D’autres miracles de Seydina Limamou Laye Cheikh Matar Lô rapporte des prodiges extraordinaires accomplis par le Mahdi : une odeur de musc émanait de sa maison et de ses objets personnels. Il avait cette capacité à soigner les maladies graves par un simple toucher. Il conférait la connaissance divine à des analphabètes d’un simple geste. Un miracle a particulièrement marqué son époque. Il l’a réalisé lors de la disparition d’Ababacar Sylla. Cet acte prodigieux est d’ailleurs bien relaté par ces lignes du Professeur Assane Sylla : « L’un des miracles les plus connus du Saint Maître intervient à la mort de son grand disciple Ababacar Sylla.
Mis au courant du décès de cette personnalité qui était aussi son beau-père, Limamou déclara : Ababacar Sylla ne peut s’en aller sans que nous ayons achevé notre conversation. Puis, marchant à pied, de Yoff à Dakar, il se rendit chez le défunt. Assis à terre, il posa sa tête sur son genou, passa sa sainte main sur sa tête et l’appela trois fois. Ababacar ouvrit les yeux. Il lui dit : me reconnais-tu ? Il répondit : bien sûr, tu es le seigneur des premiers et des derniers croyants », note le Professeur Sylla. Une dizaine de jours plus tard, Ababacar Sylla retourna définitivement auprès du Créateur. Face à l’opposition des colons L’expansion de sa communauté attira l’attention des autorités coloniales. Accusé à tort de détenir des armes, il fut arrêté en septembre 1887 et transféré à Gorée avec son compagnon Abdoulaye Diallo.
En prison, des phénomènes miraculeux se produisirent, tels qu’un vent violent qui détruisit des bâtiments. Les colons, effrayés, le libérèrent après trois mois, constatant son innocence et son exemplarité. Le juge colonial déclara : « Cet homme enseigne la dévotion, la soumission aux parents et la fidélité dans la vie conjugale ». Un héritage intemporel Seydina Limamou Laye a marqué son époque par son humilité, son érudition et ses miracles. Malgré l’opposition et les épreuves, il a laissé un héritage spirituel inestimable, poursuivi par ses descendants et ses disciples. Son message d’unité, de justice et de dévotion continue de résonner à travers le monde, faisant de lui une figure intemporelle de la foi et de la résilience.
Ndèye Fatou Diéry DIAGNE