Le club des « Aigles » de la Médina a réalisé le doublé Coupe-Championnat du Sénégal de 2024 à 2025. De plus, le leader actuel du championnat de football féminin sénégalais a participé, cette année, aux phases préliminaires de la Ligue des Champions féminine de la Caf. Des résultats qui témoignent de la bonne forme de l’équipe. Les acteurs nous dévoilent le secret de leur sacre
Au centre technique Jules François Bocandé de Toubab Dialaw, l’entraînement des « Aigles » bat son plein, ce dimanche. Les joueuses, vêtues de maillots noirs assortis de traits rouge et orange, font tourner le ballon sous les yeux de leur coach Soukeye Cissé. Depuis quelques années, c’est ce groupe qui règne sans partage sur le football féminin sénégalais. Les joueuses de la Médina ont réalisé, pour la deuxième année consécutive, le doublé Coupe-Championnat. Un sacre qui confirme leur talent. Les statistiques affichent pour la saison 2024-2025 : 20 matchs, 18 victoires, 1 nul, 1 défaite et 61 buts marqués. Le club de la Médina possède un groupe dynamique composé de joueuses issues du championnat local, qui ont longtemps trimé sur les terrains sablonneux des villes sénégalaises. Aujourd’hui, le club présidé par Cheikh Tidiane Bâ a pu réaliser ces saisons époustouflantes grâce notamment à l’implication de toutes les joueuses sur le terrain, déclare Binta Korkel Seck, un des leaders de l’équipe. Cette dernière estime que le secret principal de cette réussite, c’est le travail.
Fondée en 1994, l’équipe féminine des « Aigles » de la Médina porte en elle une longue tradition de formation de joueuses. « Au départ, nous nous appelions les « Chattes » de Dakar », rappelle Mame Yoro Diop, l’un des membres fondateurs. Le club a rapidement trouvé ses marques, avec un siège situé à la rue 39 angle 30 dans le quartier populaire de la Médina, à Dakar. D’après son porte-parole, M. Diop, le projet initial était de créer un cadre pour le sport-études : «Éduquer les jeunes filles à la pratique du sport tout en veillant à leur scolarité », souligne-t-il. Cette double exigence, portée dès le début par des enseignants et professeurs parmi les dirigeants, a contribué à poser des bases solides pour développer le football féminin au Sénégal. L’année 1999 marque une étape importante avec l’affiliation officielle de l’équipe à la Fédération sénégalaise de football. Depuis, les résultats sportifs sont à la hauteur des espérances. « Les « Aigles » de la Médina ont remporté quatre fois la Coupe du Sénégal et ont été championnes du pays à quatre reprises », énumère Mame Yoro Diop. Le club s’est aussi imposé sur la scène régionale en remportant la Coupe Ufoa A et en se qualifiant à la Ligue des Champions féminine de la Caf. « Nous avons formé l’ossature de l’équipe nationale féminine du Sénégal », rappelle-t-il, évoquant fièrement des joueuses emblématiques comme Seyni Ndir Seck, Aïcha Henriette Ndiaye, Mamy Ndiaye, Marème Diop ou encore Yally, qui ont toutes porté le brassard de capitaine.
Mame Yoro Diop souligne le rôle primordial des « Aigles » dans l’essor du football féminin national. Il ne manque pas de citer les autres membres fondateurs, parmi lesquels Moussa Diarra, Bouna Basse Guèye, Balla Diassé, Khalil Koïté, Elhadj Coundoul, Moussa Sène, Boubacar Pouye, Mouhamadou Dianor, Ibrahima Diop et Ismaïla Diallo. « Les premiers membres ont pensé à long terme et le travail a porté ses fruits, car aujourd’hui, les filles partent à l’étranger pour des contrats professionnels. C’est la preuve qu’il y a une vraie évolution de cette discipline », se réjouit-il. Cette progression se traduit aussi par un intérêt du public. « Les gens commencent à suivre nos matchs, que ce soit dans les stades ou via les réseaux sociaux », constate Mame Yoro Diop, avant d’ajouter: « On voit aussi que les femmes font leur apparition dans les instances de décision, à la Caf, à la Fifa et à la Fédération sénégalaise de football ». Ainsi, les « Aigles » ont contribué non seulement à élever le niveau sportif, mais aussi à transformer les mentalités, témoigne-t-il.
Un club formateur pour l’éclosion des pépites féminines
Pour la capitaine Jeanne Goumba Dia, le club représente une deuxième famille. « Aux « Aigles », nous sommes avant tout une famille. C’est cette union qui nous porte depuis des années, malgré les blessures, les moments de doute et les difficultés. Personnellement, j’ai connu des saisons compliquées, marquées par des absences en équipe nationale à cause de blessures. Mais je n’ai jamais cessé de croire en moi et en mes coéquipières. Ce doublé, c’est la récompense de tout un groupe», confie la joueuse, qui a porté les couleurs des « Dorades » de Mbour, de Dakar Sacré-Coeur et de l’équipe nationale avant de s’imposer comme capitaine à la Médina. Au-delà des résultats sportifs, les « Aigles » jouent un rôle social important, estime également Mame Yoro Diop. « Nombreuses sont les jeunes filles issues de quartiers populaires qui trouvent dans ce club, un cadre propice à leur épanouissement personnel et sportif », analyse-t-il. Ses dires sont confirmés par l’entraineuse de l’équipe, par ailleurs sélectionneuse adjointe de l’équipe nationale féminine. « Voir des filles croire en leurs rêves et réussir, c’est la plus grande victoire », confie Soukeye Cissé. Selon elle, ce doublé réalisé par l’équipe est le fruit « d’une équipe soudée, disciplinée et capable de gérer la pression durant toute une saison ». D’après elle, « le foot féminin, longtemps délaissé, est en train d’entrevoir le bout du tunnel ».
Mais malgré ces avancées, des défis subsistent, notamment en matière d’infrastructures et de reconnaissance. « Le football féminin est encore trop souvent sous-estimé, mais nous continuons à travailler pour changer les mentalités. Depuis que j’ai pris en main l’équipe, nous privilégions le jeu collectif, la patience et la confiance en nos capacités, même sous pression. C’est ce qui fait la différence au moment décisif », ajoute-t-elle. Pour une meilleure visibilité, les acteurs plaident pour le réaménagement de la programmation des matchs. « Nous jouons les matchs généralement le matin, à 8 heures. Pour permettre au public de participer, il faut revoir les heures. Avoir un public qui nous soutient, ça nous permet de nous surpasser», préconise la capitaine de l’équipe. Bintou Fall, joueuse expérimentée et un des piliers de l’équipe, souligne l’impact de leur jeu d’équipe.
« J’ai toujours été passionnée par le football. Ce qui fait notre force, c’est la solidarité et le travail. Nous avons connu des moments difficiles, mais aujourd’hui, nous récoltons les fruits de nos efforts ». Son témoignage rejoint celui de Bintou Korka Seck, autre leader de l’équipe : «Je suis arrivée au club il y a deux ans avec un objectif clair : remporter des titres et progresser. Grâce à Dieu et au travail, j’ai déjà gagné plusieurs trophées ». Au-delà des trophées, le club joue un rôle important, inspirant une nouvelle génération de filles à s’engager dans le sport, estime Mame Yoro Diop.
Par Marième Fatou DRAMÉ