Réunir à Dakar, Hailé Sélassié empereur d’Ethiopie, les écrivains de la Négritude Aimé Césaire, Léon-Gontran Damas, le ministre français de la Culture André Malraux, Alioune Diop fondateur de Présence africaine, Duke Ellington, légende américaine du jazz, la mythique danseuse américaine Joséphine Baker…
C’était la prouesse du Président-Poète Léopold Sédar en organisant le premier Festival mondial des arts Négres (Fesman) en avril 1966 au Sénégal. En rassemblant dans son pays, autant de sommités du continent africain, des diasporas noires des Antilles, des Etats-Unis, du Brésil, d’Europe, entre autres, le président Senghor confirmait les valeurs du courant de la Négritude et relançait le mouvement politique du Panafricanisme cher aux Marcus Garvey, Williams E. Dubois, Nkwame Nrumah. Le ministre d’Etat et écrivain français André Malraux dira dans son discours à Dakar, à propos de cet événement culturel de grande envergure, que « Pour la première fois, un chef d’État prend entre ses mains périssables le destin d’un continent… ».
En permettant de donner une plus grande visibilité à la création contemporaine africaine, à travers les arts plastiques, la littérature, la musique, la danse, le cinéma, etc., les fastes du premier Festival mondial de Dakar avec plus de vingt mille participants en 1966, ont conforté Léopold Sédar Senghor dans sa position de chantre de la Négritude, d’homme de culture, plus tard de précurseur de la Francophonie et académicien après son départ de la chose politique. Le natif de Jaol mettait toujours en avant la culture et ses valeurs, qu’il disait « au début et à la fin de tout développement ». Le Président-Poète invitait ses compatriotes et les peuples africains à être présents au rendez-vous de l’universel avec leurs valeurs en bandoulière. Cet héritage de Senghor et de ses compagnons de l’époque avait déjà encouragé l’idée d’organiser une seconde édition du Fesman au Nigéria. Et c’est en janvier 1977 que s’ouvre le Deuxième Festival mondial nègre et africain des arts et de la culture à Lagos attirant encore plusieurs intellectuels et créateurs du monde noir. Et puis, après ce Festac au Nigeria… plus rien.
Il a fallu attendre 33 ans pour que le président sénégalais Abdoulaye Wade, élu Chef de l’Etat en 2000, réussit le tour de force de tenir à Dakar, en décembre 2010, le Troisième Festival mondial des Arts Négres (Fesman III). L’avocat et homme d’Etat sénégalais, fidèle disciple des idées du panafricanisme, place l’événement sous le thème de la Renaissance africaine. A l’instar de Senghor, qui a érigé d’abord des infrastructures dédiées à la vie culturelle sénégalaise, des musées, un théâtre, entre autres, Abdoulaye Wade a voulu faire de même, avec le Monument de la Renaissance africaine, le Grand Théâtre national, mais surtout en organisant la 3e édition du Fesman, une « fête de la jeunesse et de la culture, la fête de l’Afrique qui gagne grâce à son intelligence, à sa créativité et à son travail. »
Ainsi, du 10 au 31 janvier 2010, le Sénégal et ses partenaires donneront une dimension planétaire à cet événement, au cours duquel, le continent africain et sa diaspora ont revisité tous les pans de la création contemporaine du monde noir, dans les domaines de la musique, de la chanson, de la peinture, de la sculpture, du cinéma, du patrimoine historique, scientifique, culturel, du sport, de la danse, de l’esthétique, de l’architecture, etc. A l’issue de ses conférences structurantes tenues à Dakar, de divers spectacles culturels et artistiques à travers le pays, le Fesman III a réitéré les idées chères à Senghor et ses amis, « le combat pour la dignité de l’homme, un combat pour le respect de l’homme, un combat pour la reconnaissance du rôle que l’homme noir a joué dans le patrimoine de l’Universel ». Senghor et Wade ont ainsi en commun ce rêve de voir grand et d’être des locomotives qui ont fédéré tout un continent autour de la culture et du panafricanisme. Un idéal toujours d’actualité… omar.diouf@lesoleil.sn