Dans le souffle du temps, Tivaouane se dresse comme une halte d’éternité. Les pas des fidèles y résonnent en cadence avec les invocations, tissant une trame sacrée où la foi se fait horizon. À quelques jours du Maouloud, les préparatifs se déroulent dans la ville sainte.
Dès les premières heures, ce vendredi annonçait qu’il n’était pas ordinaire. Nous sommes à 48h de l’ouverture du « Burd », Tivaouane accueille une grande foule. Sur l’allée de la grande mosquée et Zawiya Serigne Babacar Sy, des voitures de toutes marques y sont garées. Des mendiants en chaise roulante, des vendeuses d’eau et de jus frais longent le long du trottoir. Des vendeurs de bonnets, chapelets, coran et même des xassidas apportent, à leur tour, une atmosphère empreinte de foi le long de l’allée.
Les « talibés » âgés entre 5 et 16 ans font la sentinelle pour demander l’aumône aux passants. Malgré un ciel menaçant, hommes, femmes et enfants vêtus en blanc, chapelet à la main se bousculent à l’entrée de la mosquée pour assister à la prière du vendredi sous l’auspice de Serigne Habib Sy, fils de Serigne Mansour SY.
Dans la mosquée réservée aux femmes, située en face de celle des hommes, quatre sexagénaires ajustent les rangs pour qu’il n’y ait aucun espace entre les fidèles. Au sein du lieu de culte, Des carreaux assortis au moquette velouté de couleur marron s’accommodent au design du tapis prière.Les ventilateurs fixés au plafond et un climatiseur vertical situé à gauche émettent quelques vibrations. Le silence gouverne l’espace alors que l’odeur de l’encens taquine les narines. La prière se déroule en parfaite harmonie….
En face de la Zawiya Serigne Babacar SY, se trouve sa maison occupée maintenant par la famille proche et des disciples. A l’entrée, un seul carreau noir sur le sol au milieu de tous les carreaux de couleur rouge bordeaux attire l’attention. « Ce carreau noir n’est pas un hasard. Il y a une histoire derrière. Certains disent que c’est ici que Mame Babacar posé son pied droit. Et d’autres soutiennent qu’on l’avait installé à cet endroit quand il a rendu l’âme avant de le sortir de la maison. Quoi qu’il en soit c’est l’un des deux », marmonne un garçon de 7 ans, pieds nus, assis à même le sol pour se recueillir. Il pose sa main droite sur le carreau en question, récite des prières à voix basse puis caresse son front avec sa main avant de courir pour rejoindre ses amis dans la cour.
Les fidèles à pied d’œuvre
Dans l’autre pièce, il y a une grande cuisine appelée « Waagnu Serigne Babacar Sy » dans laquelle des dames âgées entre 35 et 50 ans préparent un repas en quantité. Fanta, visage tapissé de rides et de sueur, habillée d’un grand boubou en tissu léger, voile attaché à la taille, assise sur un bidon vide, épluche des légumes au milieu de la fumée que dégagent les fourneaux. « En dehors des préparatifs du Gamou, on prépare un grand repas tous les vendredis parce qu’il y a beaucoup de monde. Plus la célébration se rapproche, plus on augmente la quantité des repas préparés par jour », dit-elle avec un grand plaisir malgré la chaleur extrême de la cuisine.
Des chefs de familles sont également en train de parfaire leurs maisons pour que leurs invités soient dans de bonnes conditions. C’est le cas de Cheikh Sall. Agé de 46 ans, père de famille et propriétaire d’un R+2, il met la main à la pâte pour aider les ouvriers dans les travaux. « Pour nous, il n’y a rien de plus grandiose que la célébration de la naissance du prophète (PSL). Il y a des ajustements à faire dans le salon principal et les escaliers. On se démène pour que tout soit parfait avant le jour j », dit-il sourire aux lèvres.
Les femmes ne sont pas en reste lorsqu’il s’agit d’apporter un peu d’éclat. Décoration d’intérieur, vaisselles, habillement, rien n’est laissé au hasard. Alimatou, fraichement mariée, fait le tour des marchés pour anticiper les courses. « C’est mon premier Gamou à coté de mon époux et de sa famille », lâche la jeune dame au teint d’ébène sur un ton taquin. Et d’ajouter :« Je veux que la célébration soit un vrai moment de paix et de raffermissement des liens familiaux. Rien ne doit manquer dans la maison », achève-t-elle en ajustant son voile.
Fatou NDIAYE