L’existence du village de Diofior remonterait au 14e siècle sous forme de hameaux. Cependant, le regroupement de ces derniers, survenu en 1925, est considéré comme son acte de naissance. Autrement dit, ce rassemblement administratif a eu lieu il y a cent ans. Cette année, des fils et filles de Diofior ont célébré le centenaire de leur village situé dans le département de Fatick. Des moments forts et riches en enseignement, en sagesse, en démonstration culturelle et surtout en découverte historique.
Il y a longtemps, un compagnon de Maïssa Waly Dione, premier roi du Sine, venait d’élire domicile au village actuel de Diofior. Son nom, Ndongo Niane. Nous sommes au 14e siècle, point de départ d’une richissime histoire d’une localité qui serait par la suite désertée au fil du temps avant d’être repeuplée à la fin du 19e siècle par Diombo Thiang. Selon les témoignages, ce dernier, venu d’un village dénommé Faoye, fut un cultivateur et descendant de Ndongo Niane.
Comme ce fut le cas dans plusieurs localités d’un passé lointain, les peuplements étaient plus ou moins éparpillés. Et Diofior, qui est une déformation du nom sérère « Ndiofor » (Entente) en a connu au cours de l’histoire. Après plusieurs siècles d’existence, depuis l’installation de l’ancêtre Ndongo Niane, la tradition veut que ces habitations dispersées soient regroupées en un seul village en 1925. Ce qui marque une étape cruciale dans la vie de ce peuple sérère. C’est à cette date que l’administration coloniale a décidé du regroupement des hameaux pour donner naissance au village de Diofior devenu presque une ville aujourd’hui. Par devoir de mémoire, les descendants de Ndongo Niane et de Diombo Thiang ont jugé utile d’immortaliser ce rassemblement d’habitations humaines dont les cent ans se sont écoulés cette année.
C’est en ce sens que le centenaire du village a été célébré du 1 au 4 mai 2025. Au village du centenaire… Durant quatre jours, Diofior a vécu au rythme des chants et des danses traditionnels sérères. Les fêtards arrivaient de partout : des villages environnants comme des horizons reculés. Hommes, femmes, enfants, vieux, etc., tous se sont laissés aller dans une grande effervescence. Bref, Diofior a été le point de ralliement d’hommes et d’acteurs culturels, le rendez-vous de la culture et de l’histoire.
De nombreux grands artistes sérères ont pris part à l’événement qui a eu comme marraine Thérèse Faye Diouf, député à l’Assemblée nationale et maire de Diarrère (Fatick). La célébration du centenaire de ce village situé à 6 km du Delta du Saloum (Fatick) a été aussi l’occasion de percer quelques mystères de la tradition et surtout de revisiter les modes de vie des anciens. Le slogan choisi en dit long sur l’importance de la commémoration : « Un siècle d’histoire, de solidarité et de développement ».
Au-delà des nombreux panels, de la journée de consultation médicale, de la randonnée pédestre, des prestations musicales mais également le côté religieux avec le récital de Coran, le centenaire a été agrémenté en grande partie par l’aspect culturel dont la chasse, marquant la bravoure des jeunes gaillards. Il y a eu aussi la lutte, sport incontournable chez les sérères. Les merveilleux objets d’art exposés pour le plaisir des yeux prouvent le talent des artisans du village. En plus de leur aspect esthétique, ils reflètent surtout le passé des premiers hommes, rappellent les grandes étapes traversées par cette belle communauté sérère… Il s’agit, en effet, d’un condensé de faits et de vie ayant jalonné le cours de l’histoire.
Ces objets minutieusement confectionnés et exposés au foyer des jeunes du village ont fait l’objet de visites tout au long de l’événement. Au sein de la cour du foyer des jeunes, trois endroits sont aménagés pour la revue de l’histoire. Une première tente sous laquelle du matériel de travail utilisé par les anciens a été posé. Parmi les nombreux objets découverts, il y a des calebasses, des plantes nourricières comme le mil avec tous ses dérivés, des mortiers… Une deuxième place, juste à l’entrée du foyer, a été aménagée pour montrer les outils utilisés par les aïeuls dans le cadre des travaux champêtres.
Du matériel composé de semoirs, de dabas, entre autres, et exposé sur une longue table. Sans oublier le tableau récapitulatif des modes de vie qui se sont succédé dans l’existence des hommes. Il s’agit notamment de trois concessions qui se différencient par les réalités et les comportements. Autrement dit, comment et avec quoi vivaient les premiers hommes, leur conception de la vie. C’est ainsi que, pour marquer la différence, le concepteur a mis l’accent sur l’aspect archaïque et sur la sagesse qui a été au cœur de cette société. Et ainsi de suite pour chaque époque de la vie des hommes jusqu’à nos jours.
Du commencement, avec les cases et les moyens rudimentaires, à aujourd’hui avec l’évolution et la modernité. En plus de ces deux endroits qui abritent chacun une histoire, il y a une maison traditionnelle établie un peu plus au fond de la cour du foyer. C’est là qu’on retrouve le plus grand nombre de visiteurs. Comme ces jeunes qui se prennent en photo devant les cases ingénieusement disposées. Dans ce lieu, c’est encore toute une histoire à la richesse intarissable. On y voit la chambre en palissade du chef de famille. Dedans se trouvent des grigris, un matelas traditionnel conçu par assemblage de sacs cousus que l’on remplit d’herbe.
À côté, la cuisine en case renseigne sur l’intelligence et la perspicacité de nos anciens. La marmite posée sur un feu activé à l’aide de déchets de vache prouve l’esprit de créativité des parents. Aussi, la culture sérère rime avec le mysticisme. C’est pourquoi les anciens étaient dotés de performances mystiques redoutables. Comme matérialisé dans cette petite maison, on y rencontre une place insolite, spécialement réservée pour les bains mystiques. Là, certains visiteurs profitent même de l’eau bénite mise dans une petite calebasse pour en appliquer sur le visage.
Ce, sur conseil des guides. Le centenaire de l’espoir Au milieu de la cour de cette maison, quelques jeunes sont déjà émerveillés par la richesse culturelle du peuple sérère explicitement enseignée par des natifs du village. C’est pourquoi les plus curieux n’ont pas tardé à soulever les pilons posés aux pieds du mortier pour tenter de donner quelques coups. « C’est vraiment une excellente tradition », souffle un visiteur qui est visiblement aux anges. Durant ces quatre jours d’extase qui ont marqué Diofior, les organisateurs ont joint l’utile à l’agréable. Par conséquent, au-delà de l’ambiance, des réflexions ont été avancées au cours de la célébration du centenaire qui a nécessité un budget de 62 millions de FCfa. Déjà, des fils du village ont ébauché un ouvrage sur l’histoire de leur terre natale. D’ailleurs, Mamadou Bass, l’un des auteurs du livre est convaincu de la grande importance de l’événement. Pour le professeur d’histoire au lycée de Diofior, la fête du centenaire est une manière de faire la promotion culturelle du village. « Ce centenaire va permettre à Diofior d’être plus attractif et le tourisme culturel pourra s’y développer davantage dans les années à venir », a-t-il fait.
C’est aussi l’avis du maire de la commune qui a manifesté toute sa satisfaction. « Je suis totalement satisfait de l’organisation. Et on espère que le message est passé. Cet événement a permis aux gens de mieux se connaître et surtout aux jeunes de comprendre leur histoire. En plus, on a espoir que les autorités entendront les doléances », a déclaré Youssou Diome. L’édile de Diofior fait allusion aux plaidoyers des jeunes de la localité qui, devant Bakary Sarr, secrétaire d’Etat à la culture, aux Industries créatives et au Patrimoine historique, ont émis le vœu, entre autres, d’avoir un musée pour la préservation de la culture. Comme l’a affirmé Mamadou Bass, « le centenaire devrait être une fenêtre ouverte vers l’avenir».
C’est d’ailleurs en ce sens que le secrétaire d’Etat à la culture, aux Industries créatives et au Patrimoine historique a rassuré la population. « Nous avons écouté les doléances. Nous allons plaider auprès des autorités pour que la culture sérère qui s’est métissée avec d’autres puisse avoir un musée à Diofior. En vérité, ces activités participent à la déclinaison de la territorialisation de la politique culturelle que l’État est en train de mettre en place », a dit M. Sarr. L’idée d’organiser ce centenaire remonte à 2023. Chose promise, chose due. Cette année, le village a célébré ses cent ans d’existence depuis le regroupement des hameaux en 1925 en une localité qui porte aujourd’hui son nom, Diofior.
El hadji Fodé SARR (Correspondant)