Scénariste, autrice et storyteller, Gina Ndèye Fatou Goudiaby, dont la passion pour l’écriture est née dès l’enfance, partage sa vision d’un art ancré dans l’authenticité. Entre cinéma et littérature, l’ancienne journaliste d’Icône magazine évoque, dans une interview accordée au quotidien Le Soleil ses inspirations, ses projets, et son désir de transmettre des vérités universelles, soulignant l’influence du cinéma sur son style « brut, authentique, concret ».
L’écriture s’est imposée comme une évidence pour Gina Ndèye Fatou Goudiaby, bien avant ses 10 ans. « Je n’ai jamais vraiment compris tous mes amis, même au lycée, qui galéraient pour faire leur choix de métier plus tard. Moi, j’ai toujours su que mon métier d’avenir serait lié à ma passion, » confie-t-elle. Cette vocation est née d’une forme de solitude, l’écriture étant pour elle une activité intime, un moyen naturel d’expression et de partage de sa vision du monde.
Ses premiers écrits étaient des récits inspirés des bandes dessinées qu’elle dévorait, comme « Tom-tom et Nana » ou « Aya de Youpougon ». Ses protagonistes étaient souvent des enfants de son entourage, et ses histoires étaient remplies de « rebondissements, de couleurs, de rires, de leçons de morale. » Aujourd’hui, elle partage ces mêmes bandes dessinées avec sa fille, espérant lui transmettre le goût de la lecture.
Deux souvenirs illustrent son parcours. Le premier est sa détermination à vivre de sa plume. Encore lycéenne, elle a dû attendre de décrocher son baccalauréat avant de déposer ses textes chez Mansour Dieng, fondateur du magazine culturel Icône. Malgré son ignorance du terme « CV », sa passion et ses écrits ont convaincu Mansour Dieng de l’embaucher sur-le-champ.
Le second souvenir marquant est l’écriture de sa première nouvelle, « Le courage de vivre », éditée en 2024 lors du Salon du livre féminin de Dakar. Ce texte, écrit après le décès de son père et une période de profonde dépression, s’est révélé être un exutoire thérapeutique, lui permettant de « prendre énormément de recul sur cette période assez dure de [sa] vie. »
L’influence du cinéma : Brutalité et authenticité
Le cinéma a toujours fait partie de la vie de Gina Ndèye Fatou Goudiaby, depuis les films d’animation Disney de son enfance. Cependant, c’est le film « Fleur du désert » de Sherry Hormann qui a marqué sa première véritable rencontre avec le septième art. L’authenticité brutale des scènes, notamment celles décrivant les mutilations sexuelles, a profondément ému et influencé son style d’écriture. « Ce mélange de brutalité et de sensibilité dans sa manière de narrer l’histoire de cette brave dame m’a secouée au plus haut point, » explique-t-elle.
Cette influence se retrouve dans son style qu’elle décrit comme « brut, authentique, concret. » C’est ce style qui lui a permis de remporter un concours de script radio de l’ONU pour une campagne de lutte contre l’exploitation des enfants, où elle s’est efforcée de « respecter l’histoire de ce talibé qui a été victime d’exploitation. »
Inspirations et engagement
Gina Ndèye Fatou Goudiaby trouve son inspiration partout, considérant son hypersensibilité comme une force qui alimente sa productivité. Dans le monde du cinéma, elle est fascinée par Sembène Ousmane, dont les films sont « comme de la poésie vivante, » et apprécie son engagement sur les questions essentielles du peuple. Elle admire également l’audace de Joseph Gaï Ramaka pour son film « Karmen Geï », qui a osé aborder des sujets « tabous » de la société sénégalaise.
Pour le choix de ses sujets, elle aime à dire que ce ne sont pas elle qui les choisit, mais plutôt le sujet qui la choisit. Elle est plus productive lorsqu’elle écrit sur des thématiques qui lui sont familières, se sentant « liée, d’une manière ou d’une autre, que ce soit de par [son] expérience personnelle ou celle de [ses] proches. »
Des projets porteurs de sens
À travers ses œuvres, Gina Ndèye Fatou Goudiaby aspire à transmettre des « vérités universelles » et à inspirer positivement, en abordant des thèmes tels que la connaissance de soi, la tolérance, l’espoir, la résilience et la foi. Parmi ses projets futurs, elle co-développe un long-métrage thriller qui se déroule dans le Sénégal des années 70, une production franco-sénégalaise prévue pour 2026. Ce projet, un genre peu exploité sur le marché sénégalais, est pour elle « un plaisir » de travailler sur toutes les phases de production.
Elle nourrit également l’idée d’un docu-série consacré à l’histoire d’Aline Sitoé Diatta, héroïne de la résistance sénégalaise. « À l’aube de ses 19 ans, Aline Sitoé Diatta aurait commencé à entendre des voix, telle Jeanne d’Arc, lui dévoilant sa mission de vie : libérer son peuple de l’administration coloniale, » explique-t-elle.
Fascinée par cette femme qui a surmonté les obstacles liés à sa condition de femme, jeune, noire et sensible dans un contexte colonial, Gina Ndèye Fatou Goudiaby est fière de vouloir raconter son histoire à travers sa plume. Son rêve ultime en tant que créatrice est de « mourir fière d’avoir laissé derrière [elle] des œuvres qui illumineront les cœurs et inspireront positivement les futures générations. »
Ibrahima BA et Cheikh T. NDIAYE