Le 14 octobre 2025, le Sénégal a battu la Mauritanie 4-0 pour décrocher sa qualification à la Coupe du monde, la troisième de suite. Si la fête a été belle, sous les yeux du Président de la République, Bassirou Diomaye Faye, elle a quand même eu un drôle de goût pour certains.
En effet, juste avant cette trêve internationale, la Fédération sénégalaise de football (Fsf) a soudainement décidé d’augmenter les tarifs des billets au stade Abdoulaye Wade de Diamniadio. Passer de 1.000 à 3.000 FCfa pour la tribune rouge, et de 5.000 à 20.000 FCfa pour le jaune centre, n’est pas une simple « révision » tarifaire ; c’est un acte politique fort, un couperet social asséné au cœur battant de la Tanière : le peuple. Si l’on pouvait encore accorder le bénéfice du doute à la Fsf, évoquant de vagues «coûts d’organisation élevés» ou la «modernisation de la billetterie numérique», la déclaration de son président a transformé le débat économique en une crise de confiance profonde.
Expliquer cette hausse par la volonté «d’éviter une trop forte affluence» ou, pire, que les prix passés étaient «trop accessibles», revient presque à ériger une barrière invisible, mais ô combien palpable entre l’équipe nationale et ses fidèles. Le message perçu par certains fans, comme un déchirement au cœur, est le suivant : « Le football, ce n’est pas pour tout le monde ». Or, le football est le sport le plus populaire au monde. S’il est devenu aujourd’hui incontournable, c’est grâce aux masses. Que ce soit au Sénégal, en Afrique ou partout dans le monde, le football est devenu bien plus qu’un sport. C’est une catharsis collective, une bouffée d’air dans un quotidien souvent difficile. Les chants, les drapeaux, l’ambiance des tribunes sont l’œuvre de ce que l’on nomme fièrement le « 12e Gaïndé ».
Multiplier le prix par deux, trois, voire quatre, va certes permettre à la Fédération sénégalaise de football de remplir ses caisses. Néanmoins, elle opère une sélection par l’argent. C’est comme transformer l’accès au spectacle national en un luxe réservé à une élite, ou du moins à la classe moyenne supérieure. Va-t-on assister à une gentrification des tribunes ? Que deviendra le rêve de ceux qui économisent pour voir Sadio Mané et consorts ? Leur passion n’a-t-elle plus droit de cité ? Un stade plein, vibrant de l’énergie du peuple, est la première assurance de victoire pour les Lions. Que ce soit au Vélodrome, à Anfield, ou au Signal Iduna Park, les joueurs ne se nourrissent pas du silence poli des loges VIP (sans condescendance aucune), mais bien de la clameur assourdissante des virages.
Les rendre inaccessibles revient à priver l’équipe de son oxygène. C’est garantir un stade Abdoulaye Wade à moitié vide, résonnant du regret plutôt que de la ferveur. Par ailleurs, l’argument du président de la Fédération sénégalaise de football, qui est sécuritaire, est-il soutenable ? Les billets moins chers sont-ils forcément à l’origine des problèmes de violence ? Les forces de l’ordre sont là pour garantir la sécurité. Il faut plutôt mettre en place une meilleure logistique, des contrôles efficaces, et une sensibilisation des supporters. La nouvelle équipe de la Fsf peut bel et bien professionnaliser, changer, bonifier le football, sans le priver de son essence populaire. Le football n’est pas qu’un produit à vendre au prix fort. C’est un patrimoine national, mais surtout un lien social.
Cependant, dans ce tohu-bohu, le geste du sélectionneur Pape Thiaw, qui a décidé d’utiliser sa prime pour offrir des billets aux supporters, apparait comme une lueur d’espoir. Un acte fort, tout comme celui des joueurs : Krépin Diatta, Pathé Ciss, etc., qui ont offert des centaines de billets. Ces gestes fortifient le lien entre l’équipe nationale et le peuple. Ils démontrent que les Lions restent solidaires du « Gaïndé » lambda, avec un message subliminal : l’argent ne doit pas avoir le dernier mot sur la ferveur. La nouvelle équipe fédérale peut toujours rectifier le tir. Parce que le football sénégalais a besoin d’une Fédération forte, à même de mener des avancées pour le développement de notre sport roi. La FSF doit être la locomotive du football sénégalais. Et se priver des supporters, qui insufflent la ferveur aux Lions, serait bien dommage. Alors, tous autour d’une table, que le dialogue commence.

