Le chemin de l’enfer est pavé de bonnes intentions. Au Sénégal, une histoire rocambolesque a fait les choux gras de la presse, ces derniers jours. Un jeune gardien de but de 20 ans, Cheikh Touré, a trouvé la mort au Ghana.
De faux recruteurs lui avaient fait miroiter des tests et éventuellement un contrat juteux dans le championnat de football marocain. Son ami Bamba serait l’homme par qui son cauchemar a commencé. Il servirait d’intermédiaire entre le compère trop naïf et le comparse très peu scrupuleux. Ainsi, en lieu et place d’un vol direct pour le Maroc, le jeune Touré a fait un virage à 360 degrés, empruntant les routes insécures qui mènent au Ghana. Le rêve chérifien s’arrête et le cauchemar commence. Après avoir remué terre et ciel pour rassembler les frais de voyage, il arrive enfin à Kumasi. Le lieu du crime. 850.000 FCfa. C’est la somme demandée aux parents du jeune. Plutôt un traquenard à 850.000 questions, puisque la vie de Cheikh en dépend. Autrement, il risque de passer de vie à trépas. La famille tarde à s’exécuter. Les ravisseurs passent à l’action. Impitoyables ! Cheikh était l’espoir de sa famille. Un fils unique qui rêvait d’une carrière internationale. À travers le football, il pensait pouvoir, plus tard, mettre les siens à l’abri du besoin. La médiasphère sénégalaise se solidarise. Elle se met à la pointe du combat en demandant justice pour la victime, mais aussi pour tous les jeunes joueurs sénégalais broyés, depuis le Ghana, par le crime organisé.
L’histoire prend les formes d’une affaire d’État. La Fédération sénégalaise de football sort un communiqué. Elle sera suivie par la Société civile, le ministère de la Jeunesse et des Sports, celui de l’Intégration africaine des Affaires étrangères et des Sénégalais de l’extérieur, mais aussi d’autres personnalités sénégalaises et le monde du sport en particulier. Ils ont tous condamné l’acte odieux et demandé que la lumière soit faite sur cette affaire qui continue de défrayer la chronique. L’État ghanéen, à travers le Département régional des enquêtes criminelles (Cid) de la police régionale d’Ashanti, annonce l’ouverture d’une enquête.
D’après les premières investigations de la police, un homme s’étant présenté sous le nom d’Issah, et prétendant être le frère de la victime, a amené, le 16 octobre dernier, « le défunt à l’hôpital, dans un état critique, avec plusieurs blessures abdominales, prétendant que la victime avait été victime d’un accident (…) Cependant, les registres de l’hôpital montrent que la victime était déjà décédée à son arrivée ». Plusieurs internautes assimilent les méthodes utilisées pour hameçonner, ravir et rançonner Cheikh Touré à celles d’une structure qui a pignon sur rue au Sénégal : Qnet. Des pratiques qui s’inspirent de la pyramide de Ponzi. Au siècle dernier, l’américain d’origine italienne, Carlo Pietro Giovanni Guglielmo Tebaldo Ponzi, plus connu sous le nom de Charles Ponzi, met en place un vaste système d’escroquerie pyramidale en promettant aux investisseurs potentiels des rendements bien supérieurs à ceux du marché. Les intérêts versés aux épargnants sont prélevés sur les sommes placées par les souscripteurs suivants.
Pour que les recettes continuent à couvrir les engagements, il faut une croissance des souscriptions. Ils exercent sur les nouveaux venus une pression constante pour recruter famille, amis, voisins, collègues et autres connaissances. Des prospects de choix. Enthousiasme débordant. Business club. Marketing multi niveaux (Mlm). Vente pyramidale. Statut. Mirage d’une autonomie financière. Économies en fumée. Ruine.
Et la pyramide s’écroule, faisant une poignée de nouveaux riches et une myriade de personnes appauvries. Ailleurs dans le monde, des clubs comme Tupperware, Exaku, Omp Group ou encore Acn ont fait fortune en pigeonnant des millions de travailleurs. Des sociétés finalement mises sur liste noire. Interdites d’exercer. Au Sénégal, en plus de Bamba et de Cheikh, il y a Alassane, Momo, Moustapha, etc. Il y a également le footballeur, le mécanicien, le menuisier, l’étudiante, etc. Ils sont tous tombés dans le piège tendu par des escrocs sans foi ni loi qui regardent ta situation pour t’inventer une histoire qui te parle.
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