Un hymne, c’est une âme mise en musique. Et désormais, le football professionnel sénégalais en a une. Le 20 octobre 2025 restera comme une date symbolique pour la Ligue sénégalaise de football professionnel (Lsfp), qui a dévoilé son tout premier hymne officiel.
Une composition signée du groupe 1 Da Beatz, produite par Rise and Vibe Studio, mêlant percussions traditionnelles et sons modernes. Une innovation à saluer, car elle donne à notre championnat une respiration artistique, un cri du cœur, une signature sonore qui accompagne la montée en puissance du football local. Mais à écouter cet hymne vibrant, une question s’impose : à quand la même ambition pour nos trophées ? Car si la Lsfp a trouvé la note juste pour chanter son identité, elle n’a pas encore trouvé la forme juste pour la célébrer. Dans toutes les grandes compétitions, le trophée n’est pas un simple objet d’apparat. Il incarne une histoire, un rêve, une mémoire collective. La Coupe du monde, avec ses deux silhouettes dorées tenant le globe, symbolise l’universalité. La Ligue des champions, avec ses grandes oreilles, évoque la gloire et l’élégance. Le trophée de la Can avec sa teinte dorée, exprime la richesse du continent, l’éclat du talent africain et la valeur du mérite sportif. Même la Coupe d’Angleterre, doyenne des trophées du football mondial (153 ans), traverse les siècles sans perdre sa noblesse.
Le symbole oublié du football sénégalais
Chez nous, au Sénégal, nos trophées changent de forme au gré des finales, comme s’ils n’avaient jamais trouvé leur véritable visage. Qui peut décrire aujourd’hui la Coupe du Sénégal ? Qui se souvient de la forme du trophée du champion de Ligue 1 ? Ces distinctions, censées immortaliser les exploits, finissent souvent par ressembler à des objets de circonstance, dépourvus d’âme et de continuité.
Un dirigeant de club, un jour excédé par la casse d’un trophée en finale de petite catégorie, lâchait cette phrase assassine : « Il est temps que la FSF et la Ligue arrêtent d’acheter des coupes à Colobane. » L’ironie cachait une vérité crue : nos trophées nationaux manquent d’identité, et cela mine la symbolique même de la victoire. Le football est aussi une affaire de récits, d’émotions, de symboles. Quand un joueur soulève un trophée, il ne brandit pas seulement du métal ou du cristal : il brandit une part du rêve national. Il grave une image dans la mémoire des supporters, une image qui traverse le temps. Voilà pourquoi il est urgent que la Fédération sénégalaise de football (Fsf) et la Ligue professionnelle s’inspirent de la démarche créative de cet hymne pour penser un design unique, durable, porteur de sens.
Donner une âme à nos coupes
Le Sénégal regorge d’artistes, de sculpteurs et de designers capables d’imaginer des trophées à la hauteur de nos ambitions sportives et culturelles. Pourquoi ne pas lancer un concours national pour repenser les symboles de nos compétitions ? La Coupe du Sénégal pourrait être inspirée du baobab, arbre de vie et de résilience. Le trophée de la Ligue 1, lui, pourrait évoquer la force du lion, emblème du pays. Ces symboles offriraient aux compétitions une cohérence visuelle et émotionnelle qui renforcerait leur prestige. La Lsfp a déjà montré le chemin en donnant une voix à son championnat.
Il reste désormais à lui donner une image forte, un emblème reconnaissable entre mille. Le prochain champion de Ligue 1, qui recevra un chèque record de 40 millions de FCfa, mérite un trophée qui ait du poids, non seulement par sa matière, mais par son histoire. La créativité ne se limite pas à la musique ou à la communication. Elle peut devenir un levier de modernisation pour l’ensemble du football national. Dans un contexte où les sponsors hésitent souvent à s’engager dans le foot local, des symboles forts et cohérents peuvent raviver l’intérêt, renforcer l’identité du produit et attirer de nouveaux partenaires. C’est aussi une question de prestige institutionnel. Le dernier président de la République à remettre personnellement la Coupe du Sénégal fut Abdou Diouf, en 1991, lors de la finale Jeanne d’Arc – Jaraaf.
Depuis, la tradition s’est effritée, comme si nos trophées avaient perdu leur éclat et leur pouvoir d’attraction. Le football sénégalais avance, crée, innove. L’hymne de la Lsfp est une première pierre, une belle note dans la partition du renouveau. Mais il reste à sculpter cette identité sonore dans le bronze, l’or ou le cristal de nos trophées. Car une compétition sans symbole fort, c’est une chanson sans refrain : elle s’oublie vite. L’heure est donc venue de faire chanter nos stades, mais aussi de faire briller nos trophées. Pour que chaque victoire ait un son, une forme, et surtout, une mémoire.
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