Fatou est une jeune étudiante dont l’avenir éducatif et professionnel semble incertain depuis sa rupture avec son copain. Reine de beauté, elle a toujours tenu à faire partie de la crème durant son cursus. Elle a fini par développer des idées suicidaires. Une méconnaissance des dérives du numérique l’a poussée à partager des vidéos intimes avec son petit ami. Elle pensait avoir bâti une relation basée sur la confiance mutuelle.
Elle n’imaginait pas que celui-ci utiliserait ses images à caractère intime comme outil de chantage après leur séparation. Depuis, elle vit un traumatisme. Face au poids oppressant de la honte et du regard social, Fatou a dû quitter l’université et se recroqueviller sur elle-même. Son cas est loin d’être singulier. Elles sont, en effet, de plus en plus nombreuses à tomber dans les pièges du numérique. Plus de 80 % des femmes, dans le monde, ont déclaré avoir subi une violence numérique à un moment de leur vie, selon des estimations des Organisations non gouvernementales (Ong). Pour séduire leur partenaire, certaines n’hésitent pas à adopter un style décomplexé et spontané. Guidées par l’amour ou le désir de plaire, elles ont parfois compromis leur propre sécurité. Elles n’ont pas toujours su mesurer les intentions de leurs partenaires, certains étant animés par des logiques de domination, de destruction ou de vengeance. Au Sénégal, plusieurs célébrités ont vécu cette expérience douloureuse. Des images, partagées dans un cadre intime et en toute confiance, ont été exposées au grand public.
Elles ont tristement découvert que le numérique est souvent utilisé, à tort, comme un outil de contrôle social sur la gent féminine, mais aussi un moyen de briser l’élan de celles qui cherchent à s’immiscer sur un terrain masculin. Sans éveiller des soupçons, des mineures et des femmes adultes subissent les conséquences d’un phénomène pernicieux, souvent plus insidieux que d’autres formes de violences basées sur le genre. Par crainte de représailles familiales ou sociales, certaines gardent le silence et subissent difficilement le chantage de leurs agresseurs, lesquels exploitent leur vulnérabilité en exigeant des faveurs sexuelles ou de l’argent. Lors de la célébration des « 16 jours d’activisme » dans notre pays, l’accent a été mis sur la nécessité de renforcer le cadre légal face à l’ampleur des violences numériques. Elles prennent des formes variées et vont de la diffusion non consensuelle d’images intimes aux menaces, chantage et harcèlement en ligne. Toujours est-il que ce phénomène qui installe le malaise au sein des familles affecte profondément les victimes, majoritairement des adolescentes ou des femmes en quête d’émancipation et de reconnaissance sociale.
Ce n’est pas fortuit d’ailleurs si le ministre de la Famille, de l’Action sociale et des Solidarités a récemment tiré la sonnette d’alarme, indiquant que la prévalence des violences numériques subies avant l’âge de 18 ans est estimée à 20,4 % au Sénégal. Ces jeunes filles et parfois même des femmes mûres, dont l’intimité violée et exposée sur les réseaux sociaux, sont aux prises à la dépression, l’anxiété, voire la détresse psychologique. Elles découvrent, à leurs dépens, que le numérique ne constitue pas toujours un espace sûr d’expression ni un véritable levier d’émancipation. Elles se rendent tristement compte de l’existence d’une race d’hommes, des loups qui se drapent sous le manteau d’agneau. Ils sont prêts à tout pour réduire les femmes au silence au moment où d’autres se réjouissent d’explorer la crédulité de certaines. Si les défenseurs de la cause féminine considèrent que « l’application concrète des textes concernant le cyberharcèlement et le partage non consenti reste un défi majeur », il n’en demeure pas moins qu’il urge de renforcer la sensibilisation et de sonner la vigilance…
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